CARNET DE VOYAGE (4/5)
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DIXIEME JOUR (14/02/2006)
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Ce
matin, j’ai décidé de me lever avant l’aube de façon à pouvoir photographier
le lever du soleil sur le désert. Le spectacle est à la hauteur de l’effort
consenti : le jeu des couleurs est remarquable. Après le petit déjeuner,
nous prenons la route de la nécropole de
Nuri. Lorsque nous arrivons, un
groupe de policiers passe devant nous à dos de dromadaire : je n’ai pas le
temps de trouver mon appareil photo pour immortaliser cet instant. |
Du
haut de ses 60 mètres, la pyramide Taharqa surplombe toutes les autres.
C’est la plus grande construction du Soudan antique. De nombreux rois
napatéens se sont fait enterrer à côté de Taharqa. Nous longeons
l’alignement des pyramides et Claude Rilly nous parle des différents rois
ensevelis. Certaines pyramides sont assez érodées et elles peuvent prendre
des formes plaisantes. Par exemple, la pyramide d’Anlamani fait penser à une
tête de statue. |
Vers
midi, nous faisons un arrêt dans une oasis pour nous ravitailler en eau
potable. L’eau est stockée dans des bidons. Pour le groupe, elle est en
libre-service dans des outres accrochées à chaque voiture. Le ravitaillement
terminé, nous reprenons la route qui suit le Wadi Abu Dom. Quelques
kilomètres plus loin, nous faisons une pause-déjeuner dans une autre oasis.
Pendant l’après-midi, nous traversons un vaste désert de pierre et de sable.
Sans doute le désert du Batn-el-Haggar (Ventre de pierre) doit-il ressembler
à cela ? |
En
fin d’après-midi, nous arrivons au puits de Merowa : c’est le dernier avant
Atbara à plusieurs centaines de kilomètres. De nombreux éleveurs viennent y
faire boire leur troupeau : on y voit des chameaux, des moutons et des ânes.
Dans le fond, on aperçoit une curiosité géologique : une épaisse bande de
pierre court le long d’une colline : cela fait penser aux ruines d’un mur
cyclopéen. Après un court arrêt pour se dégourdir les jambes, nous reprenons
la route… |
La
piste est la plupart du temps en sable ou en terre. Parfois, nous roulons
sur des portions d’asphalte construites par des entreprises locales ou
chinoises. Mais la couche de bitume est tellement mince que des nids de
poule apparaissent après les premières pluies. La route est souvent coupée
et nous sommes déviés sur le sable. Nous nous arrêtons avant le crépuscule
au pied d’une grande dune de sable ocre. Cette journée de route a été
éprouvante et la fatigue se fait sentir parmi le groupe. Le vent se lève, ce
qui complique le montage des tentes. C’est notre dernière nuit dans le
désert de la Bayudah. |
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ONZIEME JOUR (15/02/2006)
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Le
matin nous reprenons la route vers Atbara, où nous devons traverser le Nil.
Le bac que nous empruntons est plus grand et plus moderne que les
précédents. Arrivés sur l’autre rive, nous prenons la direction d’Ad Damir
pour faire le ravitaillement au marché. Le souk est assez grand, on y trouve
principalement des marchands de fruits et légumes, d’épices, de viande…
L’accueil est plutôt chaleureux, mais le ton monte lorsque nous voulons
prendre quelques photos. Certaines personnes interdisent aux autres
Soudanais de se faire photographier. Nous n’insistons pas mais la tension
reste visible. L’intégrisme semble plus perceptible dans les grandes villes
que dans les villages. |
A
la sortie d’Atbara, nous empruntons une route assez large en très bon état :
les Soudanais l’appellent la « route de Ben Laden » car ce dernier a
financé cet axe qui va de Khartoum à Atbara. Nous arrivons au niveau de
Méroé, mais un fort vent de sable nous empêche de visiter la nécropole. Nous
nous réfugions dans une cafétéria désaffectée pour manger. Après le repas,
Michele décide de poursuivre jusqu’à
Musawwarat, où le vent de sable devrait
être plus clément. Pari gagné, la météo permet la visite des lieux. |
Nous
commençons la visite par un temple, où Claude nous fait un exposé sur le
site. Musawwarat est un vaste complexe, où l’on trouve de nombreux temples,
un vaste bâtiment et un réservoir d’eau appelé hafir. Nous nous dirigeons
vers le temple de l’éléphant, où se trouvent plusieurs statues de
pachydermes : c’est un animal absent du panthéon égyptien. Certains pensent
que ce site aurait pu être un centre d’entraînement pour les éléphants de
guerre que les rois de Méroé vendaient aux Ptolémées. Dans la cour, sont
conservées les nombreuses statues retrouvées sur le site : on peut en voir
deux superbes du dieu Sebioumeker. |
A
quelques centaines de mètres, nous apercevons le temple du Lion dédié au
dieu Apedemak. Le temple a été restauré par des archéologues allemands. Les
murs extérieurs sont couverts d’une fresque représentant la famille royale :
le roi, la candace et le prince héritier rendant hommage à de nombreux
dieux. Sur le côté gauche du temple, on trouve les dieux masculins et sur le
côté droit, les dieux féminins. Sur l’arrière, on voit le roi perché sur des
éléphants qui conduisent des prisonniers enchaînés. A l’intérieur, on trouve
de belles fresques, dont une représentant un éléphant. Après la visite, le
vent de sable est toujours présent… Michele, notre chef d’expédition apporte
une bonne nouvelle : un des ministres du pays nous prête la maison qu’il
possède à côté du site de Musawwarat. |
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DOUZIEME JOUR (16/02/2006)
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J’ai
choisi de dormir à l’intérieur de la maison, d’autres ont monté leur tente
dans le jardin. Après le petit déjeuner, nous prenons la route de
Naga. En
chemin, nous apercevons un aigle et un vautour se disputant les restes d’une
charogne ; à notre approche, ils s’envolent… A l’arrivée sur le site, le
vent de sable s’est levé. Le temple d’Amon est très bien conservé ; l’allée
de béliers est complète et a été redressée par les archéologues. Le style
méroïtique des statues est reconnaissable, car les béliers nubiens sont bien
gras avec la toison bouclée tandis que les béliers égyptiens sont plutôt
fins et musclés avec la toison peignée. Une équipe franco-allemande effectue
des fouilles à côté du temple. Un archéologue français vient parler avec
nous lors de la visite. Le temple se compose de deux bâtiments : le reposoir
de la barque et le temple proprement dit séparés par une deuxième allée de
béliers. Nous nous réfugions dans le premier pour nous mettre à l’abri du
vent de sable.
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A
l’intérieur du reposoir, on remarque une fresque représentant les dieux du
Nil de Haute et de Basse-Egypte reconnaissables avec leur bouquet de lotus
ou de papyrus sur la tête. Sur les montants de la porte du temple, on voit
le dieu Amon accueillir le roi et la candace. Les parois et les colonnes du
temple sont richement sculptées. Sur le chemin du temple du Lion, nous
apercevons des troupeaux de dromadaires et de moutons qui viennent boire à
un vaste puits dont le mécanisme doit dater de l’époque méroïtique. En
arrivant au temple du Lion, nous passons devant un
kiosque à l’architecture
curieuse : cela ressemble à un mélange gréco-romano-égyptien. Les chapiteaux
de portes sont surmontés d’un frise d’uraeus et de paires d’ailes de
vautours déployées avec le disque solaire au centre. |
Sur
le pylône du temple du Lion, nous découvrons le roi Nakhatamani et la
candace Amanitoré massacrant leurs ennemis aidé par un lion symbole du dieu
Apedemak. Ces deux souverains sont les grands bâtisseurs de l’époque
méroïtique. Sur le côté des pylônes, on aperçoit le dieu Apedemak à corps de
serpent sortant d’une fleur de lotus. Nous discernons les mêmes fresques
qu’à Musawwarat, la famille royale rend hommage à un groupe de dieux
masculins d’un côté et féminins de l’autre. Sur l’arrière du temple, se
trouve un dieu Apedemak à trois têtes et quatre bras. Cela représente à la
fois le côté masculin et guerrier et le côté féminin et bienveillant du
dieu. Certains archéologues ont voulu voir dans cette représentation une
influence hindoue. L’entrée du temple est murée, mais on aperçoit les mêmes
scènes sur les murs intérieurs.
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Le
vent de sable souffle toujours très fort : ce qui met à rude épreuve les
appareils photos. Nous sommes de retour à
Musawwarat pour le déjeuner. La
maison nous est prêtée pour un deuxième jour. Beaucoup d’entre nous
profitent de l’après-midi de repos pour faire la sieste. Pour ma part, je me
dirige vers le grand complexe afin d’arpenter les nombreux couloirs : les
murs sont couverts de graffiti laissés par des pèlerins méroïtiques pour les
plus anciens et par des explorateurs européens pour les plus récents. Je
reste tout l’après-midi dans les ruines du site. Le vent de sable donne une
couleur rougeâtre au ciel, ce qui renforce la sérénité du lieu. Je rejoins
la maison de notre hôte pour l’heure du souper. Dans la nuit, nous sommes
réveillés par l’arrivée de militaires ; ceux-ci précèdent l’arrivée du
ministre prévue le lendemain. |
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