CARNET DE VOYAGE (3/5)
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SEPTIEME JOUR (11/02/2006)
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Ce
matin, nous traversons à nouveau le Nil pour visiter le site de
Sédeinga. Le
fleuve est beaucoup plus clément qu’hier. Sur l’autre rive, deux taxis
soudanais nous attendent. Après une demi-heure de route, nous arrivons sur
le site. Les ruines du temple de Tiy se limitent à un amas de pierres d’où
émerge une colonne hathorique assez bien conservée. Ce temple est le pendant
féminin de Soleb : la reine Tiy divinisée est représentée sous une forme de
sphinge sur les chapiteaux de porte. |
Face
aux ruines du temple, se trouve une vaste nécropole méroïtique. Le site est
fouillé par une équipe française depuis 2005. A côté de la maison des
fouilles, apparaissent les vestiges de plusieurs dizaines de pyramides.
L’une d’entre elles est assez bien conservée et garde son parement de
pierres noires qui fait penser aux sépultures Kerma. Il est possible de
descendre dans certaines chambres funéraires, qui ont été toutes pillées.
Nous continuons nos recherches d’archéologues amateurs et nous trouvons des
tessons de poterie et les fragments d’un œuf d’autruche sculpté et peint en
orange. |
Sur
le chemin du retour, nous faisons un arrêt au
Djebel Dosah. A cet endroit se
trouve un temple troglodytique construit par le pharaon Sésostris III ainsi
qu’une stèle où Séthi Ier clame sa souveraineté sur le pays de Koush. Si le
temple est assez accessible, la stèle se trouve plusieurs mètres plus haut
dans la falaise qui fait face au Nil. Les chauffeurs soudanais qui
connaissent bien le site sont déjà au sommet de la falaise, certaines
personnes du groupe les suivent tandis que d’autres restent sur les bords du
fleuve. |
La
barque ne pouvant emporter tout le groupe, le voyage s’effectue en deux
fois. Nous profitons de l’attente pour revisiter le temple de
Soleb. Nous
bénéficions du soleil du matin qui éclaire le temple différemment d’hier
après-midi. Cette deuxième visite permet de mieux apprécier les scènes du
jubilé qui sont assez érodées. Lors de la visite, nous croisons un groupe de
Français dont la seule motivation semble être l’escalade des pylônes du
temple au risque d’abîmer ces vestiges archéologiques… |
Nous
déjeunons une dernière fois sur la place du village de
WaWa et nous
reprenons la route vers le Sud. En début d’après-midi, nous faisons un arrêt
à
Delgo : le temps pour l’équipe de faire le ravitaillement et le plein
d’essence. Nous retrouvons la rue commerçante avec ses vendeurs de thé à la
cannelle et une buvette où l’on peut trouver une version locale de Coca-Cola
et de Pepsi-Cola. Quelques-uns font des achats dans une boutique « Tout
pour le mariage ». |
Nous
quittons la route qui longe la vallée du Nil pour nous enfoncer dans le
désert. Le sable ocre jaune devient de plus en plus rose. En fin
d’après-midi, nous nous arrêtons à l’abri d’un imposant groupe de rochers.
Les rochers s’érodent par plaques : cela est sans doute dû à de forts écarts
de température… En parcourant l’endroit, certains d’entre nous ont trouvé
des fragments d’œufs d’autruche pétrifiés près des rochers : vestiges d’une
époque pas si lointaine où la région était une vaste savane. Le soleil se
couche sur le désert et les jeux de couleurs sur le sable rosé et les
rochers de grès gris sont magnifiques… Une des personnes du groupe est
tombée sur un rocher et s’est luxée l’épaule : elle ne pourra être soignée
que le lendemain à notre arrivée à Karima. |
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HUITIEME JOUR (12/02/2006)
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Au
lever, il fait très froid : la température est tombée à moins de 5°C pendant
la nuit (ce qui fait une amplitude de plus de 30°C avec la journée). Après
le petit déjeuner, nous escaladons l’amas de rochers pour profiter de la vue
sur le désert environnant. Aujourd’hui, nous avons une longue distance à
parcourir pour rejoindre la ville de Karima… Sur le chemin, une des voitures
cale de façon répétée : le diesel acheté à
Delgo a sans doute été coupé avec
de l’eau. |
Vers
midi, nous nous arrêtons au milieu de nulle part… Pas un arbre à l’horizon,
pas la moindre dune, ni même un rocher : il est impossible de trouver la
plus petite zone ombragée. A quelques dizaines de mètres de là, gît la
carcasse d’un avion qui s’est écrasé en plein désert vers 1980. On n’a
jamais su son appartenance, ni sa destination. Ses occupants n’ont jamais
été retrouvés… Certaines pièces sont très bien conservées. Pendant le repas,
nous apercevons de petits lézards blancs tachetés de rouge : ce sont les
seuls animaux capables de survivre dans cette fournaise. |
Dans
l’après-midi, nous passons à côté des restes d’une forêt pétrifiée… De
nombreux troncs affleurent au niveau du sol. Les troncs semblent provenir
d’espèces différentes. J’ai trouvé plusieurs morceaux de bois truffés de
galeries de larves. Cet amoncellement d’arbres nous rappelle que le Sahara
fut il y a longtemps une forêt assez dense. Notre voiture se met également à
caler de temps en temps : il semble que ce soient les deux voitures les plus
anciennes qui pâtissent du diesel dilué. Nous arrivons dans l’après-midi au
pied du Djebel Barkal. |
Nous
sommes enfin au pied de la « Montagne pure ». A côté de celle-ci, on
aperçoit deux groupes de pyramides : la nécropole Sud date de l’époque
napatéenne et les pyramides sont en très mauvais état. La nécropole Nord est
mieux conservée : elle date de l’époque méroïtique et a été utilisée entre
50 avant JC et 50 après JC. Pendant que notre guide nous dispense un cours
d’architecture méroïtique, deux enfants arrivent à dos d’âne. Ils restent
avec nous pendant l’exposé et s’éloignent quand nous prenons la direction de
la nécropole Sud. Les pyramides napatéennes semblent moins pentues que les
méroïtiques. |
Après
la nécropole Sud, nous nous dirigeons vers le
Djebel Barkal pour voir
l’uraeus avant le coucher du soleil. Vu de ce côté, on devine bien la forme
du cobra dressé. Lors de l’émission Ushuaia, Claude Rilly est descendu en
rappel sur le somment du pic depuis le Djebel pour aller lire des
hiéroglyphes gravés sous le règne du pharaon Taharqa. Lorsque nous remontons
vers les voitures, le soleil couchant donne une teinte orangée aux
pyramides. Nous reprenons les voitures pour nous éloigner un peu de la ville
de Karima et trouver un endroit pour bivouaquer. La lune se lève déjà et il
nous faut monter les tentes au crépuscule. La personne qui s’était blessée
la veille, a été soignée avec beaucoup d’attention à l’hôpital de Karima. La
nouvelle a fait le tour de la ville qui ne parle plus que de la « broken
lady. » |
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NEUVIEME JOUR (13/02/2006)
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Ce
matin, les voitures nous déposent à côté du
Djebel Barkal. Nous commençons
la visite par le grand temple d’Amon. Nous empruntons l’allée des béliers
(ou dromos) pour accéder au temple. Les premières salles conservent quelques
gravures, dont celle d’une tête de prêtre assez bien conservée. Nous
arrivons devant un reposoir de barque représentant le pharaon Taharqa
soutenant symboliquement le ciel pour qu’il ne tombe pas sur la Terre. Sur
l’autre face, on voit le pharaon garant de l’unité du pays en liant le Nil
de Haute-Égypte avec celui de Basse-Égypte. Nous prenons ensuite la
direction d’un temple troglodytique qui se situe près l’uraeus. |
Nous
sommes devant le temple de Mout : il subsiste de la partie externe deux
belles colonnes hathoriques. Les gardiens racontent que chaque matin, des
cobras sortent du temple à l’ouverture des portes : mythe ou réalité ? Dans
la première salle du temple, on voit le pharaon Taharqa offrir des présents
au dieu Amon de Napata qui est assis dans le
Djebel Barkal. La deuxième
salle servait de maternité aux reines de Koush : elles accouchaient dans le
temple pour placer les princes sous la protection du dieu Amon de Napata et
de sa parèdre Mout. Les parois sont décorées par une procession de dieux
auxquels Taharqa et sa reine rendent hommage. Après la visite, nous nous
dirigeons vers un autre temple qui se trouve au pied du Djebel Barkal. |
En
chemin, nous nous arrêtons près d’un chantier de fouilles : il s’agit de
celles du palais du roi Nakhatamani conduites par l’américain Timothy
Kendall. Celui-ci interrompt son travail pour venir nous parler de ses
recherches. Il nous explique pourquoi Taharqa a choisi le site de Nuri pour
construire sa pyramide : celle-ci est alignée avec l’uraeus les jours de
solstice. Timothy Kendall est un des plus grands spécialistes de la
civilisation koushite. L’intérêt qu’il porte au Soudan lui vaut un certain
nombre de problèmes de la part de l’administration Bush qui a sans doute
inclus l’archéologie parmi les cibles de sa lutte anti-terroriste… |
C’est
un temple plus récent que les précédents : il est attribué au dieu Amon de
Karnak. Les hiéroglyphes sont d’une facture plus grossière et les premières
erreurs de grammaire apparaissent dans les textes. Comme nous avons terminé
les visites assez tôt, le groupe décide unanimement de visiter le musée de
Karima qui se trouve non loin de là. On peut y admirer quelques statues
napatéennes et méroïtiques, notamment la statue du roi Senkamanisken et les
lions débonnaires qui gardaient l’entrée du palais royal. Nous voyons
également une exposition photographique qui montre la Nubie avant la
construction du barrage d’Assouan. |
Pendant
que l’équipe prépare le repas, j’entame l’ascension du
Djebel Barkal avec
quelques courageux. Monter sur la Montage pure, c’est un des objectifs que
je m’étais fixé avant le départ. Après une ascension relativement facile,
nous arrivons sur un plateau qui surplombe la vallée d’environ 100 mètres :
la vue sur les alentours est superbe. En approchant du bord, il est possible
de voir l’uraeus. Je vaincs mon appréhension du vide pour faire cette
photographie. Après le repas, nous nous dirigeons vers la nécropole d’El-Kurru,
où sont enterrés la plupart des pharaons noirs de la 25ème dynastie. |
La
nécropole se trouve presque dans le village. On aperçoit les restes d’une
grande pyramide et de nombreux hypogées. La
première tombe que nous visitons
est celle du pharaon Tanouetamani (dernier pharaon noir à avoir
effectivement régné sur l’Égypte). Les couleurs des fresques sont très bien
conservées : elles décrivent le parcours du pharaon de sa mort jusqu’à sa
résurrection. Si le style est très égyptien, on remarque des particularités
koushites : le pharaon porte le bonnet avec deux uraeus, symboles de la
double souveraineté sur Koush et l’Égypte. |
La
seconde tombe est celle de sa mère Kalhata. En arrivant dans la tombe, nous
admirons un beau plafond bleu constellé d’étoiles. L’esprit de la reine suit
le même parcours que celui de son fils. Les attributs du pouvoir et les
armes représentés autour d’elle montrent la réalité du pouvoir matriarcal,
une autre particularité koushite. En parcourant la nécropole, nous
apercevons les restes de la tombe du pharaon Piankhy. En arrivant aux
voitures, nous croisons quelques italiens qui connaissent notre chef
d’expédition Michele Dutto. |
Nous
prenons la route du Nil, qu’il nous faut à nouveau traverser. En attendant
le bateau, je me rends au « salon de thé » avec quelques-uns. Nous prenons
du thé et des beignets, la femme qui tient boutique m’offre gentiment des
petites crêpes au piment (le piment soudanais est très doux ; les Soudanais
ne mangent que très peu de poivre car ils trouvent cela trop fort). La
circulation du bac est gérée par un duo assez singulier : un policier très
grand (plus de 2 mètres) assisté par un nain qui encaisse les péages. |
En
fin d’après midi, nous arrivons près d’un monastère chrétien en ruine :
seuls les murs sont restés en place. Nous installons les tentes à distance
des arbres à cause des insectes (ex. de grosses araignées blanches).
L’équipe porte à manger au gardien du site qui vit là avec sa famille. Alors
que nous venons juste de nous coucher, le camp reçoit une visite aussi
inattendue que bruyante : un troupeau de dromadaires a décidé de rester
quelque temps au milieu des tentes. Après leur départ, nous pouvons retomber
dans les bras de Morphée. |
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